Haïti : un asile politico-musical pour les chambristes juifs pendant l’Holocauste

Dès l’élection du parti national-socialiste d’Adolf Hitler, en 1933, la persécution des communautés juives d’Allemagne et des pays d’Europe de l’Est, où ce parti entretient de fortes alliances, va croissante. La montée brutale de l’antisémitisme jette le désarroi chez les musiciens, compositeurs, interprètes, chefs d’orchestre juifs d’Europe centrale et de l’Est.

Les Amériques leur paraissent être une nouvelle Terre promise, d’autant que la propagande du IIIe Reich amalgame sciemment leur esthétique musicale décriée avec les pratiques instrumentales afro-américaines. L’affiche (Image 1) de l’exposition de Düsseldorf en 1938, Entartete Musik (La musique dégénérée), où l’on voit un musicien noir caricaturé jouant du saxophone en tenue de chef d’orchestre et arborant l’Étoile de David à la boutonnière, en témoigne. L’invention du facteur belge Adolphe Sax fait office d’icône des musiques qualifiées de dégénérées par le nazisme en raison de la faveur que portent les musiciens de jazz au saxophone. 

Image 1 : Affiche de l’exposition Entartete Musik (La musique dégénérée)

L’exposition s’en prend encore au jazz en affichant deux musiciens juifs et un saxophoniste noir, l’ensemble sous la conduite d’un second musicien noir. Sur le même mur, des deux côtés de cette grande affiche, Oscar Straus et Leo Fall, compositeurs d’opérettes, sont portraiturés dans cet assemblage dénonciateur. Au-dessous de ce montage, l’inscription en grosses lettres majuscules : « Le théâtre juif d’hier au rythme du jazz » (« jüdisches Theater von einst im jazz-Rhythmus[1] »). Ainsi se développe dans l’Allemagne du IIIe Reich une propagande déjà entreprise depuis 1927 « en réaction contre la “bâtardisation” [Verbastardisierung] et la “négrisation” [Vernegerung][2] » de la musique.

C’est dans ce contexte européen toxique et délétère que le président d’Haïti, Sténio Vincent, promulgue le 29 mai 1939 un décret visant à accorder « la nationalité haïtienne in abstentia aux Juifs traqués par les nazis[3] ». En vertu de ce décret-loi, les ambassadeurs d’Haïti en Europe sont autorisés à délivrer des passeports haïtiens aux demandeurs juifs, les reconnaissant comme citoyen du pays pour parer au statut d’apatride dont ils sont imputés et qui les incrimine partout. 

En ces années 1938-1939, l’historien Jean Fouchard, ambassadeur d’Haïti en Belgique, se dépense sans compter pour fournir le précieux document aux musiciens juifs menacés. Ainsi, Caroline Traube, professeure à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, a pu réunir plusieurs pièces démontrant l’intervention de Fouchard pour faciliter le départ vers Haïti de son grand-père Peter Traube, musicien juif berlinois réfugié à Bruxelles. Hélas ! l’opération a sombré de justesse : Peter Traube a été arrêté le 20 octobre 1939 et déporté au camp de Saint-Cyprien, la veille du jour où il devait prendre le bateau d’Anvers pour Port-au-Prince.

Au cours de la même période, l’influent écrivain haïtien Jacques Roumain, qui réside à Bruxelles, s’alarme. Sa femme Nicole, fille de son compatriote romancier Fernand Hibbert, descend d’une famille israélite de Miragoâne, ville du sud d’Haïti. De Bruxelles, Roumain se rend souvent à Paris pour y rencontrer ses amis juifs allemands exilés comme Walter Janka, Ludwig Reven et la romancière Anna Seghers. C’est aussi l’occasion pour lui de faire le point de la situation avec deux de ses compatriotes en situation d’agir sur les événements : le poète Roussan Camille, premier secrétaire de la légation haïtienne et l’ambassadeur Léon Laleau, poète aussi de son état. Indomptable partisan de la naturalisation in absentia, Roumain appuie le sauvetage des Juifs de l’Est et montre à plusieurs musiciens la route vers Haïti. Déjà dans un discours prononcé à New York en 1933, Roumain affirmait alors : « Nous haïssons le fascisme avec ses mythes raciaux qui défient la science et outragent la dignité humaine. Nous condamnons un régime qui brule les livres de Heine, qui réduit Hindemith au silence […] et accule à l’exil leurs penseurs de l’Allemagne moderne. Nous méprisons un régime qui use de cruauté envers les personnes à cause de leur appartenance raciale[4]. »

Je me pencherai spécifiquement ici sur l’essor de la musique de chambre en Haïti au contact des musiciens juifs qui ont séjourné dans la capitale haïtienne pendant la turbulence européenne créée par l’Holocauste. 

Les chambristes étrangers qui font escale à Port-au-Prince jouent en concert avec de remarquables interprètes locaux regroupés en deux associations : la Société Pro-Arte, active pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis l’Association Pro-Musica, dans l’Après-guerre. Parmi ces acteurs locaux, on remarque les pianistes Ludovic Lamothe, Emmeline Fougère, Carmen Brouard, Maria Éthéart, Micheline Laudun Denis, Micheline Dalencour et Guy Scott ; les violonistes Charles et Georges Miot, Gaston Durand, Anélus Augustin, Fritz Benjamin, Valerio Canez et Raphaël Stines ; les altistes Ann Buckhart, Auguste Durand, le violoncelliste Robert Durand, le flûtiste Depestre Salnave, le compositeur et organiste Werner Jaegerhuber. J’exposerai essentiellement les interactions survenues entre les chambristes fuyant la Shoah et les musiciens locaux. 

Contexte musical à Port-au-Prince au milieu des années 1930

L’aventure de la musique de chambre en Haïti commence avec un violoniste amateur de la ville des Cayes, Gaston Durand, qui a initié ses deux fils, Auguste, 15 ans, à l’alto et Robert, 17 ans, au violoncelle.  En 1934, la famille Durand déménage à Port-au-Prince et les deux jeunes hommes s’inscrivent sans tarder à la Haute École de musique de Charles Miot, un violoniste d’expérience, d’ascendance française et de mère juive polonaise[5]. À l’orchestre de l’école de musique de Miot, les Durand lient connaissance avec Weber Turnier, jeune violoniste qui partage leur passion pour le répertoire de chambre. De leur association naît le Quatuor Durand-Turnier (Image 2), première formation de cette nature au pays. À corps perdu, ils dévorent les œuvres de Haydn, de Mozart, de Schubert et de Beethoven. Moins d’un an et demi plus tard, le jeune quatuor se révèle au public en participant à un concert spirituel donné en l’église du Sacré-Cœur de Turgeau, le 22 décembre 1935.

Image 2 : Le Quatuor Durand-Turnier en 1936

La société Pro Arte

Le quatuor Durand-Turnier devient vite le pilier de l’orchestre de chambre de la Haute École de musique de Charles Miot. Au concert du 5 juillet 1937 donné au Rex Théâtre, Elvire (violon) et Lionel Roth (piano), deux musiciensau patronyme juif hongrois exécutent avec Robert Durand (violoncelle) un trio du compositeur belge Cornélius Liégeois (1860-1921). Les Roth, probablement tout juste arrivés au pays, pensaient certainement repartir rapidement, car leurs noms ont été ajoutés à la dactylo au programme typographié pour témoigner de leur participation musicale et de leur profession d’artiste. Pourtant, ils y sont encore en 1939 où ils ont bien été mentionnés au programme du concert du 30 novembre de cette année-là (voir Image 4).

Au début de 1939, la direction de l’orchestre de Miot passe au compositeur haïtien d’ascendance paternelle allemande, Werner Jaegerhuber (Image 3). Ce dernier, né à Port-au-Prince en 1900, était parti à l’âge de 15 ans dans la famille de son père à Hambourg pour étudier au Conservatoire Vogtsches, une institution privée de la capitale hanséatique. La montée du nazisme força Jaegerhuber à regagner ses pénates haïtiens en 1937, avec sa femme Ann Buckhart, altiste, rencontrée pendant ses études à Hambourg. 

Image 3 :  Werner Jeagerhuber (1900-1953)

La présence des chambristes juifs européens porte Jaegerhuber à écrire plusieurs quatuors inspirés de la mythologie du vaudou, dans une volonté de faire connaitre la religion ancestrale africaine, très décriée en ces années-là, mais dans laquelle le compositeur n’a cessé de voir des similitudes avec les grandes religions du monde.

Le 14 mai 1939 fut fondée une véritable société de concert nommée Pro-Arte. Ludovic Lamothe en était le directeur honoraire, Jaegerhuber le président et Richard Einstein le vice-président. De ce violoniste juif allemand, ex-membre d’un Quatuor Pro Arte de Berlin, vint l’idée de transmettre à la nouvelle société de concert le nom de son défunt quatuor berlinois. 

La Société Pro-Arte inaugura ses prestations publiques le 30 novembre 1939 par un concert gala au Théâtre Paramount. Le programme (Image 4) comprenait des œuvres de Bach, de Händel, de Mozart, de Haydn, de Beethoven, de Rimski-Korsakov et de Jaegerhuber. 

Image 4 : Programme du concert du 30 novembre 1939

Le Quatuor Pro Arte en 1939

Parmi les musiciens juifs réfugiés à Port-au-Prince, Richard Einstein joua un rôle déterminant. Il resta deux ans au pays contrairement à la majorité des musiciens juifs dont le séjour durait moins de six mois. Il avait toute la confiance et l’admiration des Miot, Durand, Jaegerhuber. Ce dernier l’avait-il connu en Allemagne ? Sur la photo (Image 5) du Quatuor Pro-Arte, Richard Einstein paraissait être de la génération de Durand-père, né probablement dans les années 1880. 

Image 5 : Le Quatuor Pro-Arte de Port-au-Prince

Évidemment, comme pour toute personne portant le patronyme d’Einstein, on a voulu apparenter Richard au célèbre physicien. Cela a été le cas du réputé musicologue germano-américain Alfred Einstein qu’on disait cousin d’Albert, ce que l’histoire infirme aujourd’hui. Pour en revenir à Richard Einstein, j’interprète son investissement dans la vie haïtienne, sa facilité d’intégration comme signe d’une préparation antérieure à sa venue en Haïti. S’il fallait évoquer hypothétiquement son milieu familial, je penserais plutôt à celui du philosophe, esthète et écrivain juif allemand Carl (1885-1940) qui nourrit dans l’entre-deux-guerres un immense intérêt pour l’art africain et afro-diasporique. Historien de l’art, ami de Braque et de Picasso, auteur d’un ouvrage sur La Sculpture nègre paru en 1915, il est considéré comme le « véritable découvreur de l’art africain dans l’histoire de l’art occidental[6] ». On lui doit la théorie de l’impact stylistique de la sculpture africaine sur le cubisme européen[7], une expérience qui ne manque pas d’analogies avec l’intégration des substrats musicaux africains conservés dans le vaudou et codifiés comme marque de leur nationalité par les compositeurs classiques d’Haïti, versés dans la musique de chambre de forme européenne. Coincé entre l’Espagne, où il s’était engagé dans la guerre civile auprès des républicains et la France occupée, il a préféré se donner la mort que de tomber aux mains des Nazis en juillet 1940. 

Le Quatuor no 1 de Durand

L’année 1941 fut éprouvante pour le mouvement Pro-Arte. Le chef de l’État haïtien, Sténio Vincent, président d’honneur du mouvement, démissionne en mai. Lui qui avait décrété la « naturalisation in absentia » pour sauver, accueillir et profiter du savoir-faire des réfugiés juifs d’Europe n’avait pas su protéger son propre peuple de la tentative d’ethnocide orchestré par le régime fasciste du président Rafael Trujillo de la République Dominicaine voisine, où plus de 15 000 travailleurs agricoles haïtiens avaient été abattus comme du bétail quatre ans plus tôt. Il fallut de plus qu’en cette année 1941, Werner Jaegerhuber soit terrassé par une embolie cérébrale qui le laissa paralysé du côté gauche, l’obligeant à renoncer à la direction de Pro-Arte. Toujours la même année, Richard Einstein, vice-directeur du mouvement, qui attendait de recevoir son visa d’entrée aux États-Unis, vit sa démarche aboutir. Il s’empressa de quitter Port-au-Prince pour New York. Tout ce qui avait été mis en place vacillait. 

On doit au dévouement infatigable et à l’abnégation de Robert Durand la sauvegarde de cette vitalité musicale embryonnaire. En voici les principaux faits. Au début de l’année 1943 débarquait à Port-au-Prince Maurice Michelotti, violoniste français d’excellente formation qui fuyait la France occupée. Se joignant à trois chambristes haïtiens, Anélus Augustin (violon), Auguste Durand (alto) et Robert Durand (violoncelle), il fonda le Quatuor MM nommé d’après ses initiales. Leur premier concert eut lieu au Théâtre Paramount, le 6 mai 1943. 

Ce concert influença fortement l’idée que les mélomanes se faisaient de la musique de chambre en Haïti. Le programme comportait deux œuvres déterminantes : le Quatuor no 1, op. 44 de Mendelssohn et le Quatuor no 12, op. 96 dit Quatuor américain de Dvořak. Cet opus 96 de Dvořak apporté par Michelotti fut une révélation. Durand s’éprit du quatuor du compositeur tchèque, lequel avait effectué une brève visite en Haïti en 1893 avant de déclarer qu’il avait « trouvé dans les mélodies des Noirs d’Amérique tout ce qu’il faut pour fonder une grande et noble école[8] ».

En politique intérieure, la venue d’un nouveau chef d’État, Dumarsais Estimé, en 1946, redonnait quelque espoir. Son discours nationaliste, égalitaire et rassembleur misait sur la culture identitaire et la créativité artistique. Durand, qui avait travaillé dès 1944 à la collecte de contes-chantés de la région des Cayes, fit un corpus de ces mélodies coutumières en vue de composer une première œuvre haïtienne pour quatuor à cordes. Il y ajouta des airs de colporteurs et des motifs de rondes enfantines pour écrire le sautillant Allegro du premier mouvement. Il se souvint des rythmes lancinants des tambours qui, tous les soirs, résonnaient dans les hauteurs de Port-au-Prince : il en fit l’ostinato caractéristique de l’Adagio cantabile, deuxième mouvement du quatuor. Il calqua l’alternance des mouvements de son œuvre sur un découpage classique emprunté à Haydn, d’où l’idée de cette méringue (danse nationale d’Haïti), Allegretto quasi Andantino, en guise de troisième mouvement, place habituelle d’un Menuet-Trio. Enfin, deux thèmes de contes-chantés et un motif d’inspiration populaire donnèrent le matériau thématique du pétillant mouvement conclusif, Allegro Assai. Le compositeur dédia son œuvre à la mémoire des deux maîtres de l’école nationale tchèque, Dvořak et Smetana, dont il avait voulu suivre l’exemple. 

Une audition privée de cette œuvre novatrice fut donnée le jeudi 12 septembre 1946 chez le Dr Auguste Bastien, dont le compositeur avait épousé la fille, Marie-Thérèse, violoncelliste rencontrée à l’orchestre de Charles Miot (Image 6). Une nouvelle formation s’était constituée pour cette exécution inaugurale : aux violons, Charles Miot et Electo Silva (jeune violoniste cubain dont les parents étaient en mission diplomatique en Haïti, Image 7) ; à l’alto, Gaston Durand, le père ; au violoncelle, le compositeur. Le 15 juillet 1947 eut lieu l’exécution publique de cette œuvre innovante, à l’Institut Haïtiano-Américain. Les chambristes étaient pratiquement les mêmes, sauf Auguste Durand qui avait remplacé son père Gaston à l’alto.

Image 6 : Robert Durand et sa femme Marie-Thérèse Bastien
Image 7 : Electo Silva (1928-2017), violoniste et chef de chœur cubain

CONCLUSION

En guise de conclusion, je soulignerai le prolongement de cette coopération interculturelle judéo-haïtienne en matière de musique de chambre dans les années d’après-guerre. En effet, la création d’œuvres dédiées aux formations de chambre s’est maintenue dans le sillage de Jaegerhuber et de Durand. Signalons d’abord le quintette de Lina Mathon Blanchet (1903-1994) intitulé Conte folklorique haïtien composé au début des années 1960. L’œuvre réoriente l’intérêt des mélomanes vers les ensembles à vents, flûte, hautbois, clarinette, basson et cor français. Elle a été créée à Port-au-Prince le 3 mars 1968 par le réputé quintette Soni Ventorum, fondé à Porto-Rico en 1961 par deux musiciens juifs américains de deuxième génération, le bassoniste Arthur Grossman et le flûtiste Felix Skowronek (1935-2006).

Par la suite, l’année 1966 a été marquée par la création à Port-au-Prince de la Sonate vaudouesque de la compositrice Carmen Brouard (1909-2005). On y note la parfaite maîtrise de l’idiome de la musique de chambre par une musicienne qui fut élève de Marguerite Long, de Norbert Dufourq et de Georges Hugon au cours de deux séjours d’étude à Paris. L’œuvre mit en évidence la manière dialectique de Brouard d’opposer le diatonisme et la polytonalité occidentales au pentatonisme et à la polymodalité d’essence africaine présents dans la musique du vaudou. Après la prestation du violoniste Fritz Benjamin et de la pianiste Micheline Laudun Denis, le journaliste Roger Gaillard, assistant à la première de cette Sonate vaudouesque, publia un saisissant article dont le titre, « L’âme haïtienne dans une sonate[9] », résume à lui seul l’esthétique de la compositrice. 

Claude Dauphin


[1] Élise Petit, Musique et politique en Allemagne, du IIIReich à l’aube de la guerre froide, Paris, PUPS, 2018, p. 67.

[2] Ibid., p. 81.

[3] Georges Corvington, Port-au-Prince au cours des ans, t.  IV (1934-1950), Montréal, Les Éditions du CIDIHCA, 2008, p. 67. 

[4] Jacques Roumain, Œuvres complètes, Léon-François Hoffmann (dir.), Madrid, Collection Archivos, 2003, p. 699. 

[5] Carole Miot, communication personnelle, Montréal, 25 mars 2021.

[6] Carl Einstein, La sculpture nègre, traduction de l’Allemand par Liliane Meffre, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 7.

[7] Uwe Fleckner, Carl Einstein und sein Jahrhundert – Fragmente einer intellektuellen Biographie, Berlin, Akademie Verlag, 2006.

[8] Antonín Dvořak, « Real value of Negro melodies », New York Herald, 21 mai 1893, p. 28.

[9] Roger Gaillard A/S Fauteuil 66, « L’Âme haïtienne dans une sonate », Le Nouveau Monde, Port-au-Prince, 25 mars 1966.

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