Projets de recherche

Mémoire musicale et résistance dans les camps (projet complété)

Soutenu par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH-Savoir, 2013-2016), ce projet d’équipe interdisciplinaire a réuni littéraires et musicologues sous la direction de Philippe Despoix (chercheur principal, littérature comparée) et Marie-Hélène Benoit-Otis (cochercheure, musicologie), avec les chercheures postdoctorales Djemaa Maazouzi (littérature) et Cécile Quesney (musicologie). Ariane Santerre, Jean-Philippe Michaud, Catherine Harrison-Boisvert, Caroline Marcoux-Gendron, Gabrielle Prud’homme, Isabelle L’heureux et Judy-Ann Desrosiers ont également collaboré au projet.

L’objectif du projet était d’analyser les processus de remémoration musicale et de résistance par le chant dans la création issue des camps de concentration à partir de l’exemple du Verfügbar aux Enfers, opérette-revue élaborée collectivement à l’automne 1944 dans le camp de Ravensbrück, sous la direction de l’ethnologue Germaine Tillion (1907-2008). Collage multiforme combinant dialogues parlés, passages déclamés et chansons « sur l’air de » détournant différents types de mélodies connues de l’époque, ce document exceptionnel dont le titre fait allusion à l’Orphée aux Enfers d’Offenbach visait, en représentant la vie au camp sous l’angle de l’autodérision, à aider les prisonnières à résister et à survivre par un humour solidaire.

Ces recherches ont généré plusieurs publications, dont un numéro spécial de la Revue musicale OICRM (Marie-Hélène Benoit-Otis et Philippe Despoix (éd.), « Mémoire musicale et résistance. Autour du Verfügbar aux Enfers de Germaine Tillion », vol. 3, no 2, mai 2016, http://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol3-n2/), ainsi qu’un ouvrage collectif paru dans la série « Le genre humain » des éditions du Seuil (Philippe Despoix, Marie-Hélène Benoit-Otis, Djemaa Maazouzi et Cécile Quesney (éd.), Chanter, rire et résister à Ravensbrück : Autour de Germaine Tillion et du Verfügbar aux Enfers, 2018, https://www.cairn.info/revue-le-genre-humain-2018-1.html).

Mozart dans la propagande musicale nazie [projet en cours]

Soutenu successivement par plusieurs organismes subventionnaires (American Musicological Society, 2013; Fonds de recherche du Québec – Société et culture, 2014-2018; Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, 2016-2020), ce projet a pour but d’explorer sous différents angles un aspect méconnu de la propagande culturelle nazie : l’instrumentalisation de Mozart dans la propagande menée sur le territoire de l’Autriche annexée, de l’Anschluss (1938) à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (1945).

Le projet a déjà donné lieu à plusieurs publications, parmi lesquelles la monographie Mozart 1941 : La Semaine Mozart du Reich allemand et ses invités français, coécrite par Marie-Hélène Benoit-Otis et Cécile Quesney (Presses universitaires de Rennes, 2019). Ce livre a obtenu le Prix Opus du Conseil québécois de la musique dans la catégorie « Livre de l’année » en 2020, en plus de faire partie de la sélection 2020 du Prix France Musique des Muses. Une traduction anglaise est en préparation.

Une banque de données des événements Mozart en Autriche annexée, basée sur le dépouillement de nombreux périodiques de l’époque, est également en cours de finalisation. Une version préliminaire peut être consultée à l’adresse suivante : http://mozartbd.oicrm.org/

Ce vaste travail de collecte de sources, mené sous la direction de Marie-Hélène Benoit-Otis par une équipe interdisciplinaire d’auxiliaires de recherche (Béatrice Cadrin, Babette Chabout-Combaz, Julie Delisle, Elisabeth Otto, Sebastián Rodríguez Mayén, Maude Trottier; programmation : Tiago Bortoletto Vaz), a par ailleurs mené à la publication d’un numéro spécial des Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique. Intitulé « Musique et oppression : contextes européens. Autour de Mozart en Autriche annexée », ce numéro spécial paru en mars 2022 comprend des articles et comptes rendus par Marie-Hélène Benoit-Otis et Julie Delisle, Sebastián Rodríguez Mayén, Béatrice Cadrin, Elisabeth Otto, Gabrielle Prud’homme, Matilde Legault, Judy-Ann Desrosiers et Alexandre Villemaire.

En plus de brosser une première vue d’ensemble des événements Mozart organisés en Autriche par les autorités nazies de 1938 à 1945, ce projet vise à livrer une analyse des discours de propagande sous-jacents à ces événements – en cherchant, plus largement, à dégager les mécanismes rhétoriques fondamentaux mis en œuvre dans tout discours de propagande politique basé sur la récupération de la biographie et de l’œuvre d’une figure créatrice bien connue.

La musique au service du pouvoir [projet en cours]

Appuyé par une subvention CRSH Savoir (2019-2025), ce projet de recherche poursuit deux objectifs étroitement reliés. 

Volet 1 : Musique et récupérations politiques, du Troisième Reich à la fin de la Guerre froide

Il s’agit tout d’abord de mettre en lumière les récupérations politiques variables – et parfois même diamétralement opposées – dont peut faire l’objet un même répertoire musical en fonction d’un contexte socio-politique changeant. Cet objectif sera réalisé par le biais d’une série d’études de cas visant à montrer comment l’image et la musique de compositeurs du canon musical savant (Bach, Mozart, Beethoven, Brahms, Schubert, Bruckner, etc.) ont été récupérées à des fins politiques pendant le Troisième Reich et les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, de la période d’occupation de l’Allemagne par les forces alliées (1945-1949) jusqu’à la fin de la Guerre froide (1991).

Basée sur un vaste travail de recherche en archives et dans les périodiques de l’époque, cette analyse permettra de montrer comment l’image et les œuvres des compositeurs dits « classiques » ont pu, au gré de rapports de force changeants, servir de support à des discours politiques très différents et parfois même radicalement opposés – la Neuvième Symphonie de Beethoven servant, par exemple, aussi bien à honorer Hitler en 1937 qu’à célébrer la chute du mur de Berlin en 1989, ou à chanter l’Union européenne aujourd’hui.

Porté par Marie-Hélène Benoit-Otis et Gabrielle Prud’homme [hyperlien bio], ce volet du projet donnera notamment lieu à une banque de données des commémorations musicales en Autriche dans l’immédiat après-guerre, actuellement en cours de préparation (programmation : Charles Campeau-Bedford).

Volet 2 : Musique, diplomatie et propagande

D’autre part et dans une optique plus large, ce projet vise à (re)penser la distinction entre propagande musicale et diplomatie musicale, deux catégories qui sont généralement utilisées sans définition claire, et parfois même de façon interchangeable. Si les publications consacrées à la diplomatie et à la propagande dans le domaine culturel se sont multipliées ces dernières années, plusieurs questions demeurent peu explorées : qu’est-ce qui différencie la diplomatie de la propagande dans le domaine musical, et surtout, quels sont les facteurs qui incitent les chercheur·e·s à choisir l’une ou l’autre catégorie dans leurs travaux consacrés à l’utilisation de la musique en contexte politique? Le présent projet propose d’entamer cette nécessaire réflexion en examinant une vaste sélection de littérature secondaire portant sur les liens entre musique et politique du XVIIe siècle à aujourd’hui.

Cet important travail de revue de littérature est mené par une équipe de recherche dirigée par Marie-Hélène Benoit-Otis et coordonnée par Marie-Pier Leduc. L’équipe réunit les auxiliaires de recherche Judy-Ann Desrosiers, Kamille Gagné, Laurence Gauvin, Noémie Giasson, Catherine Harrison-Boisvert, Jordan Meunier, Gabrielle Prud’homme, Héloïse Rouleau et Ariane Santerre.

Les premiers résultats de cette réflexion ont été présentés en août 2022 à Athènes dans le cadre du congrès quinquennal de l’International Musicological Society, lors d’une table ronde intitulée « Diplomacy or Propaganda? (Re)defining the Politics of Music Across Borders » organisée par Marie-Hélène Benoit-Otis et qui réunissait Zoey Cochran, Marie-Pier Leduc et Gabrielle Prud’homme. Une publication collective est en cours de préparation, ainsi qu’un colloque interdisciplinaire international qui constituera le point d’aboutissement du projet.